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05 May 2021

Loi & Moi, un site au « design essentiel »

Quand on se lance dans un projet tel que celui de Loi & Moi, chaque étape est essentielle et amène son lot de questions, réflexions, prises de décision. Le design du site a été un vaste sujet de réflexion. Fin décembre 2020, notre fondatrice, Anne Laure Giraudeau, est mise en relation avec Pierre Ragois, éco-concepteur. Pierre fait découvrir à Anne Laure, un monde qui lui est totalement inconnu : le web design et surtout, lui fait comprendre très rapidement les impacts que peuvent avoir sur l’environnement la création de sites internets. Tout de suite, cela fait écho chez elle et c’est ainsi que la décision sera prise de faire de « Loi & Moi » un site éco-désigné.

L’idée de cet article est de vous faire une introduction aux objectifs d’éco-conception numérique.

On remercie Pierre Ragois pour sa patience, sa motivation et sa pédagogie et la rédaction de cet article :

« Aucune technologie n’est immatérielle.

Chaque composant, chaque câble, chaque terminal, chaque élément qui compose notre environnement technique est interconnecté à un système social et technologique incroyablement complexe. L’infrastructure numérique ne déroge pas à la règle et exerce depuis maintenant plusieurs décennies des impacts majeurs sur notre écosystème : extraction de matières premières dans des écosystèmes fragiles (minerai, eau douce), pollutions des sols, pollutions liées aux décharges et à la fin de vie des équipements, émissions de gaz à effet de serre, pression généralisée sur le vivant, pour les plus connus.

Les chiffres liés à l’activité du numérique sont ainsi de plus en plus précis. Ils nous renseignent sur la forte tendance croissantiste d’internet et ses impacts, de plus en plus importants et visibles sur notre planète. Ces informations sont capitales lorsqu’on situe cette industrie dans les objectifs de transitions écologiques de l’Accord de Paris.

IMPACTS

Le numérique représente 3,3 à 4,2% de la consommation énergétique mondiale (pétrole brut, charbon brut, gaz, eau, avant transformation).

En 2019, il rejetait 2,8 à 4% du total mondial de gaz à effet de serre, chiffre plus élevé que l’aviation civile. Il consommait l’équivalent de 0,2% de l’eau douce mondiale, majoritairement pendant les phases d’extraction de minerais nécessaire à la construction des terminaux.

Il y a aujourd’hui approximativement 34 milliards d’équipement électriques et électroniques et 3,9 milliards d’utilisateurs d’internet dans le monde. Les déchets qui résultent de cet ensemble augmentent de 3,5 à 4% par an et se comptent en mégatonnes : 53,6 Mt, soit l’équivalent de plus de cinq mille Tour Eiffel par an, dont 20% de ces déchets sont tracés mais où 80% disparaissent dans la nature sans que l’on sache ce qu’ils deviennent vraiment.

CROISSANCE

Le taux de croissance annuel mondial du numérique avoisine les 9% tandis que ses émissions de gaz à effet de serre augmentent de 8% année après année.

L’empreinte du numérique évolue donc très vite et ses impacts sont mécaniquement aussi en constante augmentation. Le consensus général prévoit un doublement de ces chiffres à l’horizon 2025 (1)

RÉPARTITION

La répartition des impacts générées par le numérique (2) est la suivante :

On comprend donc rapidement que l’impact des usages et de l’électricité sont bien moins importants que le renouvellement des équipements. Comme vu plus haut, les objets numériques ont des conséquences environnementales et sociales tout au long de leur cycle de vie : de l’extraction de matières premières (800kg pour un ordinateur de 2kg en moyenne) à leur transport, leur transformation, leur mise en vente, leur utilisation et ensuite leur recyclage (très rare) puis leur enfouissement dans des décharges toujours plus grandes et plus toxiques.

Conserver ces équipements le plus longtemps possible constitue donc un levier écologique important, très efficace et prioritaire.

Mais qu’en est-il des contenus (sites, web apps, plateformes) que ces équipements permettent d’accéder, de leur empreinte écologique et du rôle général du design ?

Si l’électricité n’est pas un indicateur environnemental (3), nous pouvons d’ors et déjà affirmer que la stratégie de conception doit viser en priorité à réduire drastiquement le nombre d’équipements (téléphones, ordinateurs, serveurs, infrastructures, etc) nécessaires au bon fonctionnement d’internet, à limiter au maximum la création d’équipements neufs et à assurer une meilleure durée de vie, un fonctionnement optimal et low-tech de ces équipements.

Le Design Essentiel, que je développe depuis plusieurs années dans ma pratique et au sein de mon collectif Kuroneko, rassemble en synthèse ces qualités :

Accessible

L’accès au contenu doit être possible par tous les utilisateurs, quels que soient leurs dispositifs d’accès (Edge, 3G, ADSL) ou leurs conditions physiques.

Éthique et morale

Les services et produits déployés doivent respecter le temps, la vie privée et la donnée de chaque utilisateur afin de combattre l’économie de l’attention et toutes les logiques numériques écocides.

Essentiel

Chaque donnée et chaque contenu est essentialisé au maximum, afin de répondre à 80% des usages avec 20% des ressources.

Dans ce cadre d’action, la compréhension du design, de son impact et de l’expérience utilisateur est déterminante dans l’effort d’essentialisation d’un projet.

En répondant à ces interrogations, nous identifions collectivement ses éléments indispensables et nous nous concentrons exclusivement sur leur mise en forme. Ce travail d’essentialisation mène la réflexion autant que l’exercice difficile de simplification fonctionnelle et visuelle : Nous cherchons à atteindre la plus petite architecture, le plus important des services, le plus vital des contenus sans pour autant faire de concession sur la direction artistique générale.

Cette recherche nous amène à rationaliser l’usage de certains médias, notamment l’abondance d’images et de vidéos ainsi que leurs tailles et leurs poids qui deviennent là aussi des leviers hautement stratégiques.

Pour finir, il est évident que le travail en matière de numérique écologique est devant nous. La forte mobilisation du milieu, notamment chez les freelances, est un signal fort qui annonce, je l’espère, un changement d’état d’esprit de la profession et une prise de conscience de l’empreinte écologique du numérique à l’ère de l’anthropocène. »

Pierre Ragois, Collectif Kuroneko.

Sources

(1) ADEME, rapport “La face cachée du numérique”

(2) GreenIT, “Empreinte environnementale du numérique mondial”

(3) GreenIT, “L’électricité n’est pas un indicateur environnemental”

Approfondir le sujet

The Shift Project, rapport “Déployer la sobriété numérique”

Gauthier Roussilhe, “Situer le numérique”



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