Imaginez un peu ce que vous pouvez ressentir lorsque quelqu’un copie votre œuvre.
Vous êtes musicien, vous faites vos courses, puis tout à coup vous entendez votre composition dans une publicité.
Vous êtes photographe et vous retrouvez vos clichés floqués sur des T-shirts vendus dans des magasins très connus.
Vous êtes céramiste, et lors d’une expo galerie, vous retrouvez le même petit vase que vous aviez créé il y a 3 mois.
Toutes ces situations n’ont rien d’extraordinaire. Bon nombre d’artistes y sont confrontés et ne savent pas vraiment comment réagir face à une telle situation.
Alors, si jamais ça vous arrivait, que pourriez-vous faire pour vous défendre et vous réapproprier ce qui vous appartient ?
La contrefaçon, c’est copier intégralement ou partiellement une œuvre sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.
Or, il faut savoir qu’en France, vous bénéficiez automatiquement du droit d’auteur dès lors que vous créez une œuvre originale. Cela signifie que cette dernière doit être empreinte de votre personnalité : en la regardant, il n’y a pas de doute, ça ne peut être que vous !
Ainsi, si vous êtes designer, il est tout à fait imaginable qu’un magasin de meubles puisse copier à l’identique l’un de vos modèles de chaise. Ici, l’enseigne n’essaie pas de se faire passer pour vous mais elle s’approprie tout bonnement votre travail.
Des domaines divers et variés sont concernés : on pense naturellement à la musique et la peinture, mais cela existe aussi dans le design comme le prouve l’exemple précédent, la mode, les parfums, la photographie, l’écriture etc.
Dans les articles de presse, beaucoup de journalistes utilisent indifféremment “contrefaçon” et “faux”.
Pourtant, ce n’est pas pareil même si la limite entre les deux est parfois mince. Le faux représente l’objet par lequel le faussaire décide de faire croire que l’œuvre réalisée est celle de l’artiste original. On y trouve la reprise de la signature et toutes caractéristiques associées à l’œuvre originale. Éric Piedoie Le Tiec a par exemple réalisé des tableaux en faisant croire que c’était des Miro, Chagall, Cocteau et bien d’autres afin de les vendre à des particuliers ou des musées.
A la différence du faux, le contrefacteur qui copie ne veut pas faire croire que la création est de quelqu’un d’autre.
Vous vous en doutez, le faux comme la contrefaçon sont interdits ; ce sont des délits et ils sont soumis à certaines sanctions pour avoir enfreint ces règles de vivre ensemble :
La facture pénale peut être lourde…
Des actions au civil peuvent également être menées afin que celui qui est victime du faux ou de la contrefaçon puisse obtenir le retrait de la contrefaçon, voire des dommages et intérêts. Selon la puissance financière du contrefacteur, il convient de demander également des dommages et intérêts pour votre manque à gagner.
En tant qu’artiste, créer une œuvre demande un investissement aussi bien personnel que matériel. Une œuvre originale est le résultat d’un travail acharné. Ainsi, la manufacture d’un vase est précise et unique. Cela rend votre création originale et justifie le prix que vous en voulez. Typiquement, une grande enseigne peut s’approprier votre création, faire à grande échelle le modèle de vase et le vendre à un prix défiant toute concurrence.
Il y a un vol de votre travail, ce qui est extrêmement injuste, mais en plus ce genre de pratique banalise votre talent. Votre notoriété et le manque de reconnaissance qui en découlent, sont un frein pour votre carrière.
L’appropriation de votre travail par un tiers a deux effets principaux : soit la personne s’enrichit sur votre dos, soit elle gagne en notoriété en copiant votre travail. Dans les deux cas, sans votre accord, c’est interdit.
Pour qu’un tiers puisse utiliser votre œuvre, il lui faut votre consentement. On parle de cession de droits d’auteur. Tout ceci s’effectue par voie officielle. Il y aura toujours un écrit signé par toutes les parties, avec les conditions dans lesquelles vous cédez les droits d’auteurs : totale, partielle, la durée, la rémunération, le contexte d’utilisation, etc…
Si vous faites partie de ceux qui ont eu le temps de protéger leur travail, alors vous avez de grandes chances de faire flancher le contrefacteur.
On le sait tous : le droit d’auteur est intrinsèque à la création. Mais cela ne signifie pas grand chose lorsque vous devez défendre vos droits. Puisque le corollaire du droit, dans toutes vos démarches…c’est la preuve. Sans preuve de votre revendication, votre bataille sera perdue d’avance.
Selon votre domaine, vous pouvez bénéficier de deux types de protection “reconnues” qui ont une forte valeur en matière de preuve :
Parfois, vous n’êtes pas éligible au dépôt de l’INPI ou d’un organisme de gestion collective. Il se peut aussi que vous n’ayez pas eu le réflexe de faire des démarches auprès des organismes cités ci-dessus.
Toutefois, si vous avez eu le réflexe de vous constituer des preuves sur l’existence de votre création, c’est un début ! Et si vous ne l’avez pas encore fait, on vous conseille de prendre connaissance des outils à votre disposition :
Pour faire un point beaucoup plus profond sur le dépôt de votre travail et les moyens de preuve, on vous invite à lire cet article.
Lorsque vous vous rendez compte que vous êtes victime d’une contrefaçon, que pouvez-vous faire ?
Le premier réflexe à avoir est de figer le constat de la contrefaçon. Dès que vous vous en rendez compte, passez à l’action pour prouver que le contrefacteur utilise votre travail. Ici, vous avez plusieurs leviers à activer :
Avoir recours à un huissier, c’est la possibilité d’authentifier juridiquement votre création et de constituer l’antériorité de votre processus créatif et de vos œuvres en général.
Aujourd’hui, la démarche est encore plus simple grâce au développement des nouvelles technologies, notamment, par exemple, “Smartpreuve” une application développée par les professionnels du droit, qu’il suffit de télécharger gratuitement (disponible sur IOS et Androïd).
Le rapport qualité/prix est incontestable pour les prix proposés : 150€ en moyenne selon les services.
Le prix varie selon l’utilisation des services proposés :
L’acte d’huissier et Smartpreuve sont parfaits pour des événements physiques.
Mais que se passe-t-il si vous êtes photographe et qu’un tiers utilise votre photo sur les réseaux sociaux ?
Faites des copies écrans avec des services comme https://archive.is/. Par exemple, vous pouvez prendre des copies d’écrans de certaines pages web. Si ces dernières disparaissent, elles seront tout de même conservées. Toutefois, gardez en tête que certains huissiers se proposent de faire cette démarche pour vous. L’huissier pourra constater une page web et en faire une preuve incontestable.
La mise en demeure est une réclamation officielle généralement par lettre recommandée avec accusé réception. Elle est adressée au tiers et explique clairement ce que vous souhaitez obtenir de lui en précisant un délai.
Dans le cadre de la contrefaçon, vous allez demander au tiers d’arrêter l’exploitation frauduleuse de votre œuvre.
La mise en demeure est réalisée de façon manuscrite, c’est aussi un moyen de preuve, concernant votre volonté de résoudre le litige à l’amiable.
Cette démarche relève du pré-contentieux. C’est une étape qui en général aboutit à des discussions et parfois à un accord. En cas d’échec de cette étape, il est recommandé, selon les cas, d’aller devant les tribunaux .
Passer par un avocat, c’est installer un cadre plus formel et être pris au sérieux par le tiers. Un avocat spécialisé saura comment orienter au mieux votre démarche (par rapport à votre situation) et vous fera gagner un temps précieux grâce à son expérience de la négociation et sa connaissance du contentieux. Il connaît les procédures, les formulations à adopter et peut anticiper les possibles actions du tiers.
Loi et Moi vous propose de vous mettre en relation avec un avocat spécialisé en propriété intellectuelle. Actuellement, c’est Christophe Puech, avocat au barreau de Paris qui effectue cette étape à un prix fixe de 250 euros.
Il est très important d’identifier spécifiquement le contrefacteur et de cerner ses intentions.
Est-ce un autre artiste ? Un particulier qui expose à ses heures perdues ? Une grande marque ? Est-ce intentionnel ? Est-ce qu’il y a eu un enrichissement sur votre travail ou une notoriété acquise ? Est-ce le fruit d’une pure coïncidence qu’il y ait eu une telle similarité ?
Par ailleurs, il faudra bien évidemment prouver votre antériorité : faire des recherches auprès de l’INPI ou les autres organismes de gestion de droit d’auteurs. Peut-être que eux, contrairement à vous, ont fait les démarches adéquates pour se protéger. Vous devrez également faire des recherches sur internet, leurs réseaux sociaux ou la presse pour découvrir l’historique de l’œuvre.
En fonction de ces éléments, vous mettrez en place une stratégie pour faire cesser la contrefaçon (si bien sûr vous prouvez que vous avez bien la paternité de la création).
Lorsque c’est une grande enseigne ou un gros groupe qui vole votre travail, il est important d’être assisté par un avocat spécialisé habitué à ce genre de situation. Vous serez de suite pris au sérieux et surtout, l’avocat sait quel est le service à contacter dans l’entreprise et comment entamer les démarches pour d’une part, faire cesser la commercialisation du produit incriminé et d’autre part, envisager d’aller plus loin en demandant des dommages et intérêts.
Souvent une bonne négociation donne naissance à des indemnités. L’idéal est donc de tout régler en pré-contentieux, c’est à dire en dehors des tribunaux parce que, en général, avec une bonne négociation, et si vous êtes dans votre bon droit, l’enseigne préférera trouver une solution amiable qui convient à tout le monde.
L’autre avantage pour vous ? Vous obtenez plus rapidement ce que vous souhaitez et vous éviter les frais et la longueur d’une procédure contentieuse.
Marie-Abigaëlle Massamba